Troisième type

C.P.: Le décoratif n'est pas forcément creux, et même s'il l'est, il dit quelque chose en l'étant. Le décoratif est l'exagération du visuel, qui cherche à camoufler autre chose (du vide, du malsain parfois). La pièce de Kolkoz, en utilisant ce qui servait à valoriser les peintures rupestres, religieuses ou monarchiques, accentue l'aspect extra-artistique de la peinture, en se focalisant sur son utilité.  Il ne reste rien que des cadres, proposant un  message selon moi assez cynique: que des jeux sociaux en fin de compte.

La pièce de Buth fonctionne différemment, mettant en valeur un élément décoratif lié au pouvoir dans la mort. Elle  montre par le matériau utilisé, le manque de fondement, de poids et de valeur autre que ce qu'on en projette. Mais me semble-t-il, son jugement est plus engagé que celui de Kolkoz, car elle choisit un élément extérieur à l'art.


(5-6-7)

Le principe même du décoratif, fait pour être perçu et non pour être vu, est clairement affiché avec les wallpapers de Didier Rittener et d'assume vivid astro focus (avaf), afin d'encourager une mise en espace englobante, proche de la salle de musée moderne (et sa couleur pourpre, invention contemporaine complémentaire du white cube). Cette dialectique instaure une réflexion sur la mise en exposition, comme possibilité essentielle de faire sens par l'image. Le concept de photogénie de l'exposition, comme l'explique Eric Troncy, où chaque salle fait image (1), rappelle l'importance d'un langage visuel autonome, qui permet de renouveler la réception des œuvres. Cette dimension manque cruellement au paysage actuel des expositions, qui se contentent souvent d'afficher la solitude de la « pièce », par peur d'ingérence avec le contenu ou simplement par frilosité du commissaire. Il semble que Troisième Type amorce là un retour aux préceptes du commissariat très affirmé ayant évolué dans les années 1990 et qui s'occupait de renouveler profondément non le propos de l'exposition, mais son langage visuel (2). On peut ainsi retrouver cette amorce très sensible dans l'agencement risqué des sièges de Piero Gilardi au sol, de l'oiseau composé de sable de quartz de Vincent Beaurin au mur et de la composition totémique bigarrée de Tony Regazzoni et de Florian Sumi, le tout 'enveloppé' par le wallpaper d'avaf. Circulation de sens dans la recréation d'un paysage lunaire, on se prend au jeu de la divagation nocturne, étrange, voire menaçante. 

 

1. Voir Entretien Eric Troncy et Elisabeth Wetterwald, 02 n°26, été 2003, reproduit in Coollustre, Presse du Réel, Dijon, 2003, pp.156-161

2. Prenons nous à imaginer le paysage artistique français, si l'équipe du Consortium avait remporté la programmation du Palais de Tokyo, il y a quelques années.