Première hypothèse

Tony Regazzoni : Je trouve que ce trouble subsiste dans toute l'exposition : quelque chose de nostalgique, comme un vieux film qu'on re-re-re-visionne.

 

Céline Poulin : Le fait d'avoir une approche trans-historique, et non pas uniquement historique, montre justement que l'art ne s'est pas éloigné de sa physicalité. Cette veine est toujours active, voire très active. L'existence d'un courant plus immatériel de l'art, ou du moins d'un art qui ne se donne pas immédiatement, prédomine-t-il vraiment sur l'autre aujourd'hui ?

 

Plus qu'une question d'épaisseur de l'œuvre, c'est la dimension réceptive qui est évoquée dans le parallèle avec le cinéma. La peinture murale de Ulla von Brandenburg rappelle les scènes de position 

 

hypnotique dans lesquelles les spectateurs du début du 20e siècle se plaçaient, en pleine contemplation du spectacle lumineux de l'image projetée. Défiance issue d'un Platonisme où l'allégorie de la caverne a toujours droit de citer, la projection des images place le regardeur en position passive. Doit-on craindre de captiver le public ?

 

Céline Poulin : Je pense qu'il ne faut pas craindre cela. Captiver le public est trop associé à la passivité. La création d'une attirance première permet d'aller plus loin. C'est aussi comme ça que nous travaillons beaucoup avec le collectif Le Bureau/. Par exemple, avec le travail de Steve Veloso, la fascination pour l'arc-en-ciel est présente dans chacun de nous, de par son pouvoir formel, son aspect éphémère et notre inconscient collectif. Steve ne cherche pas à décevoir le spectateur, simplement il ne veut pas donner l'illusion de l'aspect naturel de son arc-en-ciel : il nous confronte à la beauté construite et pauvre du geste, à notre fascination pour ce phénomène.

 

Tony Regazzoni : aujourd'hui, dans notre milieu plus ou moins bien éduqué, nous savons tous déchiffrer la multitude d'images qui nous envahissent. C'est un fait quotidien, dont il n'est plus nécessaire de rendre compte. La question est plutôt : qu'attendons-nous de ce quotidien là ? Qu'attendons-nous des images ? La position d'actif ou de passive face à ces images est-elle encore pertinente ?

 

Médiation

Gageons d'un autre parallèle avec la critique artistique et le délicat traitement polémique des images. Jacques Rancière semble vouloir trancher lorsqu'il parle de la mise en place d'une égalité, au sein du trio spectacle, producteur et public.