Première hypothèse

 

M.B. : Dans Still Life (1997), qui engage le spectateur à prendre conscience du manque de prise en compte par les pouvoirs dominants de l'évolution du Sida, ou Hezraelah (2006), qui traite du conflit entre Israël et le Liban, tu as recours à un langage écrit qui contextualise et suscite un message fort.

Pour Affection exonérante, en revanche, cet impact visuel ne se fait pas à travers l'utilisation d'un discours mais via le développement d'une certaine abstraction. J'ai néanmoins l'impression que cette vidéo emporte le spectateur afin de le sortir d'une forme d'atonie visuelle. Fais-tu une différence entre cette vidéo et d'autres à portée plus 'politique' ?

 

y.b. : Cette question n'est pas facile, car ainsi que je l'esquissais, il me semble qu'il existe des rapports entre cette bande et des films précédents comme ceux que tu cites. Dans le cas de ces trois films auxquels il faudrait ajouter toutes les versions et configurations de Tu, sempre, le dispositif mis en place se déploie selon des modalités de capture du spectateur. Attraper le spectateur au moyen d'images clignotantes, de défilement de textes multiples et simultanés, ou de mot à mot dans des espaces ou il lui faut trouver une place à partir de laquelle il pourra faire quelque chose, de ce qui lui est proposé. Affection exonérante répond à, reprend ce type de procédure mais le fait sans contenu immédiatement perceptible, hors de celui d'une mise en abîme du dispositif visuel lumière-œil. Je voulais aussi tordre et jouer avec la fascination de l'abstrait, le plaisir de l'abstraction... Et le titre, aussi bien que le son, participent de ces moyens que j'utilise afin de donner à entendre et à voir autre chose que ce qui est proposé. Ou montrer que dans ce dont on fait l'expérience, l'expérience de l'altérité n'est pas écartée.