Troisième type

Croire en l'artifice de l'art pourrait paraître superflu, mais ce fait reste cependant un élément moteur des expériences limites séparant l'art de la 'vie'. Si le regardeur fait le tableau, l'artifice se forme-t-il dans le jugement du spectateur? 

 

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Marc Bembekoff: Cette notion des propriétés de l'artifice, perçue par le regardeur dont tu parles, dresse un parallèle intéressant avec ce que tentait Première hypothèse, en soulevant des questions autour de la perception cinématographique et de sa déconstruction. Dans Troisième type, cet ovni auquel nous faisons face, cet artifice, n'existe qu'à travers notre regard, tout comme l'illusion cinématographique n'existe, pour le spectateur, que grâce au dispositif technique de projection, qui induit une croyance immédiate aux images projetées.

 

C.P.: Es-tu sûr que les ovnis n'existent pas ? C'est là toute l'ambiguïté. Effectivement, ce parallèle existe avec Première hypothèse, où les trucages étaient visibles et permettaient au regardeur de choisir la 'magie' malgré le travail de déconstruction. Il choisissait ainsi l'aveuglement. Tony est en revanche très marqué par le principe platonicien développé dans l'allégorie de la caverne et qui présente justement des humains aveuglés et condamnés par le philosophe, à ne se contenter que des images mensongères, au lieu de rechercher les Idées.  

 

T.R.: Tout est question de subjectivités. Mais même l'artifice participe de la réalité. Le faux est aussi réel que le vrai, pour ne pas dire réaliste.

 

On peut, pour s'en convaincre, se rapporter aux questions soulevées par le passage de Rancière à ce sujet, dans le premier compte rendu. Tout n'est en effet que question de croyance dans les récits proposés. La construction de la fiction au cœur d'un ailleurs possible se développe dans un jeu de mises en abime particulièrement perturbantes. Si l'effet métonymique de la toile chez Kolkoz est renversé, n'exposant que le contenant (le cadre) à la place du contenu disparu (la toile), l'effet s'accentue chez Peggy Buth. Le matériau est comme éventré, laissant transparaitre l'artifice du polystyrène, pour contredire l'aspect monolithique de ce monument aux morts. Questionner les ressorts du décoratif et donc, de l'artifice narratif, provoque une certaine perturbation visuelle.